La Harley Davidson fut une fille de la guerre avant de devenir un symbole de paix.
Alors qu’au début du XXème siècle la guerre moderne se motorisait, la moto remplaça le cheval, trop vulnérable et lent.
Démontrées dans des compétitions d’endurance et de vitesse où elle s’illustre, les qualités remarquables de la Harley séduisent l’U.S. Army. Si elle fut déjà utilisée en 1916 au Mexique contre l’armée de Pancho Villa, plus sérieusement elle appuya les forces alliées lors de la 1ère Guerre Mondiale. Les Alliés demandaient des motos, les U.S.A. leur en fournit une grande quantité : environ 70 000, majoritairement de marque Indian, la grande rivale.
La Harley débarque sur le Vieux Continent
Agressés à leur tour sur les mers, les Etats-Unis entrent en guerre en 1917, et la Harley débarque en force en Europe dans un bel uniforme vert olive.
Très vite, le moteur V Twin H-D s’impose par sa remarquable résistance en conditions de conflit. En 1918, quand l’effort de guerre est accentué, la marque, qui a créé sa propre école de mécaniciens, produit des machines à marche forcée et prend le pas sur sa grande concurrente. A l’époque où les motocyclistes ont encore des allures de cavaliers, avec leurs bottes en cuir, leurs képis et leurs pantalons de cheval, elle les séduit par sa selle large et son confort, mais aussi par son endurance et sa fiabilité.
Le V Twin, c’est le V de la Victoire
Sur cette monture trapue et increvable, pleine de ressources, le soldat U.S. vola vers la victoire tel un Chevalier des Temps Modernes aux allures de cowboy. A l’Armistice, il pouvait poser sur son engin fourbu couvert comme lui de la boue des champs de bataille mais aussi de gloire, avec sur le nez ses lunettes Aviator, l’ancêtre du modèle présenté dans la boutique du site.
Des correspondants de guerre témoignèrent que la moto en général, et en particulier les H.D., rendirent d’inappréciables services, surtout dans les liaisons entre les lignes et l’évacuation des blessés avec les sidecar, contribuant largement à la victoire des alliés. Cet usage guerrier a aussi servi à consolider la puissance industrielle de la marque.
La paix n’est pas un long fleuve tranquille
La paix revenue, le style Harley introduit par le conflit partait à la conquête d’une Europe séduite. Et décidément, c’est la paix qui fait la Harley belle : le célèbre tear drop tank ( réservoir en goutte d’eau ) voit le jour en 1925, et c’est une révolution esthétique. Fini le vert olive, vive les couleurs vives et le look Art Déco ! Les bolides H-D triomphent sur les circuits et battent des records de vitesse.
Mais les années folles sont de courte durée : le Krach de Wall Street de 1929 plonge l’Amérique et sa production motocycliste dans une terrible récession. Les actions Harley dégringolent. Et c’est entre autres le grand succès que rencontre son nouveau moteur, le Flathead à soupapes latérales, qui permet à la marque de s’en sortir. En 1934, avec le New Deal de Roosevelt, elle se lance dans la production du fameux Servi-Car, moto utilitaire à trois roues et à tout faire, qui fut adopté massivement par l’administration américaine.
La marque déploie des trésors d’ingéniosité pour fabriquer des machines à moindre coût et néanmoins attractives, en variant les formes et les couleurs. C’est l’époque où le tableau de bord est intégré au réservoir. Mais les innovations s’arrêteront là, car les bruits de bottes se font à nouveau entendre du côté de la Vieille Europe, et H-D a le devoir de participer à l’effort de guerre.
H-D entre dans le projet secret XA de l’U.S. Army
L’U.S. Army lança en 1941 le projet secret XA ( experimental army ) dans le but de fournir aux forces terrestres, entre autres véhicules rapides, une moto fiable, endurante, véloce, capable de rivaliser avec les BMW deux roues ou sidecar de l’Afrika Korps de Rommel.
Au final, l’armée jeta son dévolu sur un modèle civil, la WL à moteur en V de 740 CC capable de se transformer à peu de frais en machine de guerre. La production des machines s’accéléra suite à l’attaque de Pearl Harbour et l’entrée en guerre des U.S.A. La firme de Milwaukee honora une commande de 90 000 WLA de 1940 à 1945.
En prenant le sentier de la guerre, la H-D WL devint la WLA
La H-D Motor Company mit un soin tout particulier à préparer sa WL pour son entrée sur le théâtre des opérations. Elle supprima les ailes Arts Déco et rehaussa ses garde-boue, l’équipa de pneus plus larges à sculptures profondes.
Elle conçut une machine tous terrains équipée de grosses sacoches, de cantines et de réserves à munitions attachées à de robustes porte-bagages. Avec un porte-fusil fixé à sa fourche, sur le modèle de ceux attachés aux selles des chevaux des pionniers, et un phare spécial anti-black out qui rendait sa lumière presque indétectable la nuit, la WLA ( A pour Army, of course !) modèle 1942 était fin prête pour s’illustrer sur les champs de bataille.
La victoire en pétaradant
Le Jour J, sorties du ventre des péniches de débarquement, les Harley déferlèrent sur les plages et les routes de Normandie, en même temps que les Jeep, plus rapides, légères et maniables, qui leur dameront le pion sur tous les terrains. Les motos seront essentiellement utilisées pour les liaisons entre les lignes, pour les escortes de convois ou par les fameux M.P., la police militaire.
Les multiples précieux services que rendirent les Harley au cours de la Seconde Guerre Mondiale se verront doublement récompensées : par une des plus hautes distinctions militaires récompensant la contribution de la marque à la victoire des Forces Libres, mais aussi par une grande notoriété auprès du public qui permit à H-D de multiplier ses concessionnaires sur le continent.
Le second conflit mondial assura donc la prospérité de la marque qui produisait 88 000 WLA pour l’armée, et améliora de fait ses techniques de production. Pour avoir participé à la libération de l’Europe, la WLA 45 fut baptisée du nom amplement mérité de Liberator.
Sur la Harley pacifiée, le soldat cède la place au Biker
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la marque auréolée des lauriers du Vainqueur, musclée par l’effort de guerre, est plus solide que jamais, et présente sur les 5 continents. Les forces armées européennes l’adoptent, car il reste beaucoup de machines et de pièces détachées Harley alors que l’industrie moto européenne a été dévastée.
A la fin des années 40 – début des années 50 aux States, un phénomène de société lié à la moto apparaît : le mouvement Biker, qui cristallise le désir de se démarquer d’une jeunesse révoltée en rupture avec les valeurs rigides de leurs parents.
Mus par le besoin de se retrouver en bandes en adoptant des signes d’identité forts, ces jeunes rebelles adeptes des grosses cylindrées adoptent la Harley, routière plus cool, plus virile que la Triumph et à l’image moins bourgeoise que les autres motos, en somme un engin à leur image.
Après la disparition de la firme Indian, la Harley reste la seule moto américaine face à ses concurrentes européennes, avec en circulation beaucoup de modèles 750 WLA réformés de la guerre, donc peu coûteux à l’achat. Une aubaine pour ces jeunes « rebelles sans cause » qui en font leur cheval de bataille.
La mauvaise réputation, une image négative et tenace
Très vite, les débordements de ces bad boys motorisés, qui aiment inspirer la peur et dont les exactions sont le sujet du film L’équipée Sauvage, effraient l’Amérique bien pensante. Le phénomène Hell’s Angels se nourrit des récits effrayants de leur sombres exploits. Le rock’n roll, la musique des jeunes rebelles, incarnée Par Elvis posant en blouson de cuir sur une Harley KH, contribue à la diffusion de cette image sulfureuse qui collera longtemps à la marque, que le public associe aux voyous en blouson de cuir. La marque mettra désormais toute son énergie à se défaire de sa « mauvaise réputation » et à séduire tous les publics.
Avec le chopper, la Harley Davidson devient pacifiste… ou presque
C’est avec le chopper, cette Harley coupée et customisée à la fourche interminable, créée à la base par des fans surdoués, que la marque changera son image en profondeur. L’avènement du chopper coïncidera avec le mouvement pacifiste des années 60. L’union de l’ex-guerrière et du Peace and Love sera immortalisée dans le film Easy Rider, dans lequel deux hippies sillonnant les Etats du Sud sur leurs choppers paieront très cher leur soif de liberté et de paix. Jimi Hendrix peut poser sur une de ces flamboyantes machines tout en passant l’hymne américain à la moulinette de sa guitare : les nouvelles générations veulent la Paix.
Mais qu’il soit pacifiste ou non, mauvais garçon ou bon père de famille, le BIKER Harley, est à sa façon un guerrier. Du moins se considère-t-il comme tel, car il est toujours en lutte pour préserver sa liberté, sa culture et son mode de vie. Rebelle par essence…
Crédits photos : Flick – Luke Porter, Mike Newcourt
Très bel article, bien écrit, bien documenté. Merci pour ce voyage enrichissant à la découverte de la Harley au fil du temps.
une envolée chevaleresque, une chevauchée fantastique que celle si bien écrite dans cet article ! la lecture de ce dernier a été un grand plaisir, bien documenté, j’ai beaucoup appris de l’histoire de cette formidable mécanique.